Dans le rapport qu'il a remis à Jean-Michel Blanquer, l'universitaire Pierre Mathiot propose d'alléger le Bac en renforçant le contrôle continu. Mais il préconise aussi de réorganiser totalement le lycée, en le rendant à la carte.
Après des semaines de suspens, Pierre Mathiot, ex-directeur de Sciences Po Lille, a remis son rapport, “Un nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles”, à Jean-Michel Blanquer. Il ne s’agit que de propositions pour réformer le Bac et le lycée, mais si elles étaient prises en compte par le ministre (sa décision sera prise mi-février), le second cycle du secondaire pourrait être entièrement redessiné.
Un bac revu et allégé
Les informations sur le Bac nouvelle formule proposé par Pierre Mathiot ont fuité depuis longtemps – nous nous en sommes nous-mêmes fait l’écho, donc peu de surprises. Lors de la session 2021, les bacheliers (actuellement en 3e) seraient confrontés à un examen allégé, avec un nombre d’épreuves terminales réduit à six – deux qu’ils auraient déjà passé en Première (l’écrit et l’oral de français, pour 10 % de la note finale), et quatre en Terminale.
Parmi ces 4 dernières épreuves, deux disciplines auraient été choisies par l’élève comme “majeures” (pour 25 % de la note) et seraient passées en mai ; et la philosophie, qui serait passée en juin (pour 10 % de la note). Resterait un “grand oral” de 30 minutes, comptant pour 15 % de la note finale, qui porterait sur un projet interdisciplinaire travaillé en première et en terminale, et qui s’effectuerait devant un jury de trois personnes, dont deux enseignants du lycée.
S’ajouterait le contrôle continu – Pierre Mathiot prévoit trois solutions : soit des épreuves ponctuelles durant l’année, soit la prise en compte des notes inscrites sur les bulletins scolaires, soit un mélange des deux. A noter que dans son rapport, l’universitaire propose que 75% des notes du Bac (français, majeures, contrôle continu) soient intégrées dans la plateforme Parcoursup.
Un lycée modulaire et la fin des séries
Concernant le “lycée des possibles” dont rêve Pierre Mathiot, le rapport propose de le réorganiser totalement et de le rendre modulaire, sur le modèle de celui existant en Grande-Bretagne. Finies les séries S, ES, L et technologiques. Le cursus serait structuré autour “d’Unités” – des “ensembles d’enseignements” proches des unités qui existent à l’université.
Le rapport préconise de créer d’abord une “unité générale”, sorte de tronc commun qui “regrouperait les enseignements suivis par l’ensemble des élèves et correspondant à ce qui relève de la culture de ‘l’honnête homme’” (français, langues vivantes, maths, histoire-géo, EPS). Les programmes proposés, les volumes horaires et les méthodes pédagogiques pourraient varier, mais pas les disciplines.
Ensuite, une “unité d’approfondissement et de complément” regrouperait “les enseignements disciplinaires choisis par les élèves pour construire progressivement leur projet d’études supérieures”. Ces enseignements, que les élèves choisiraient eux-mêmes et seraient libres de changer en cours de route afin de se construire un “parcours de formation personnalisé”, seraient répartis dans trois catégories : la “Majeure”, la “Mineure”, et la “Mineure optionnelle”.
Pour créer leur “Majeure”, les lycéens auraient à choisir parmi des “couples” de disciplines, qui sont pour Pierre Mathiot “complémentaires” et qui associées permettraient de “former de ‘vrais’ scientifiques, technologues, littéraires, spécialistes des sciences sociales – à travers une Majeure “sciences et ingénierie”, une Majeure “sciences et technologies” ou une Majeure “lettres-humanités-société”.
Parmi les 16 couples de disciplines au choix : maths-physique-chimie ; SVT-physique-chimie ; informatique-mathématiques ; maths-SES ; SES-histoire-géo ; littérature-art ; littérature-langues anciennes. Ces majeures seraient les mêmes dans tous les lycées de France, mais les chefs d’établissements, autonomes,
seraient libres d’en créer de nouvelles.
Finalement, le rapport propose de créer une troisième unité, dite “d’accompagnement”, qui correspondrait à un temps scolaire dédié à la préparation du projet présenté lors du grand oral du Bac, au mentorat, ou au travail en petit groupe.
Des semestres et des classes organisées selon les unités
L’organisation du temps au lycée serait enfin revue : au lieu des trimestres actuels, l’année serait découpée en deux semestres, les épreuves ponctuelles ayant lieu à la fin de ceux-ci.
Face à l’organisation en unités, Pierre Mathiot propose aussi de regrouper les élèves dans “au moins deux catégories différentes de classes” : des classes destinées aux élèves suivant des “Majeures Scientifiques”, et des classes pour ceux ayant choisi des Majeures “non scientifiques”. Toutefois, pas question de supprimer “le groupe classe” : ce dernier “sera préservé”, mais organisé “sur la base de l’unité générale et de la Majeuresuivie.”
Des syndicats sur leurs gardes
Du côté des syndicats, le SNES, opposé à cette réforme, note qu’en observant le fonctionnement du lycéebritannique, « cas presque pur de lycée modulaire », il est facile de remarquer que « ce type d’organisation ne serait absolument pas un progrès par rapport au principe des séries. »
Ainsi, le SNES constate que « le lycée modulaire, tel qu’il se pratique en Grande Bretagne, est en réalité très cloisonnant, car il enferme très tôt les élèves dans une spécialisation disciplinaire précoce ». Pour le syndicat, le lycée modulaire ne changerait « rien à la hiérarchie des disciplines et séries », mais la rendrait « plus insidieuse ».
Opposé à une « structure en modules qui instaure une culture générale morcelée, compromettant le sens des apprentissages des élèves, en particulier pour les plus fragiles », le SNES appelle à la mobilisation et à la grève les 1er et 6 février.
Le SGEN, qui prône l’instauration d’un lycée modulaire depuis presque dix ans, salue l’idée d’une Seconde répartie entre « un premier semestre d’installation » et « un second permettant des premiers choix », puis d’un « cycle terminal d’approfondissement ». Mais le syndicat trouve « très inquiétante » la définition « figée » des majeures, avec « une modularisation imposée qui créerait deux catégories de classes (scientifiques et non scientifiques) », au lieu de permettre « une spécialisation progressive ». Enfin, le SGEN constate que les élèves de la voie professionnelle « sont ignorés », les propositions pour la voie technologique et pour la voie générale étant « dissociées ».
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