الثلاثاء، 19 أبريل 2016

L’éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux

L’éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux 



L’éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux 

À l’occasion du 20e anniversaire de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) organise, du 12 au 14 juin 2014, un colloque international intitulé : « L'éducation en Asie en 2014 : quels enjeux mondiaux ? ».

Messages

Peut-on parler de modèle éducatif asiatique ?
Lorsque nous parlons de l’Asie, de quelle Asie parlons-nous ? « A quelles Asies faisons-nous référence ? » Malgré les très nombreuses spécificités des différents systèmes éducatifs de l’Asie, les spécialistes de cet atelier ont tenté de répondre à la question de savoir s’il existe un ou plusieurs modèles ».

Mark MasonMark Mason (Unesco) propose la réponse suivante : Il existe sans doute autant de modèles qu’il y a de systèmes dans chaque juridiction. Peut-on néanmoins faire apparaître des constantes, notamment lorsqu’on constate que les 1ères places au classement PISA sont toutes occupées par un pays ou une ville asiatique. S’il existe une explication culturelle, celle-ci a de fortes chances d’être liée à un héritage confucéen ; C’est-à-dire une forte valorisation de l’éducation et la conviction que celle-ci joue un rôle essentiel d’ascenseur social. On peut aussi dégager la conviction bien ancrée que la réussite dépend davantage du travail que des capacités innées et que tout le monde peut réussir à force de travail.

Dans cette logique du travail, qu’en est-il du « par cœur » bien connu dans les pays asiatiques ? Il s’avère qu’il ne consiste pas simplement en un processus creux et superficiel de mémorisation comme on pourrait le penser. Dans leur ouvrage paru en 1996 et intitulé The Chinese Learner, David Watkins et John Biggs montrent qu’il s’agit d’un processus d’apprentissage par induction : les apprenants fabriquent du sens en généralisant des concepts à partir de et en lien avec ce qu’ils savent déjà ou ce qu’ils ont pu observer. Y aurait-il un modèle asiatique lié à l’efficacité de la pédagogie inductive ?

Dans chaque pays une constante : La volonté de moderniser le système éducatif à partir d’une très bonne connaissance des autres modèles et des nécessités de la mondialisation, mais avec des moyens et des outils différents. Egalement une volonté de concilier modernité et tradition. Dans les systèmes actuels des pays d’Asie, on est passé d’un système d’apprentissage des connaissances à « l’apprendre à apprendre » ; De plus, c’est l’ensemble de la société qui se sent concerné par la réussite scolaire, non seulement à des fins de meilleure intégration professionnelle dans le pays mais aussi comme porteuse d’une image positive pour l’extérieur.

En Indonésie depuis les années 1990 le gouvernement a pris conscience du rôle de l’éducation comme facteur de développement économique et a mis en place des moyens importants pour améliorer l’accès à l’éducation, pour rattraper le retard, des dizaines de milliers d’écoles élémentaires avaient déjà été créées dans pratiquement tous les villages depuis les années 70. Ce développement ne s’est pas fait sans difficultés : faiblesse et uniformisation excessive des contenus, dégradation de l’image des enseignants lesquels auparavant étaient bien considérés mais trop d’enseignants peu formés ont été recrutés dans l’urgence. Les derniers résultats de PISA assez faibles en Indonésie alors que les enfants sont heureux à l’école exigent de mettre en place de nouvelles actions, ce qu’ils ont commencé à faire grâce notamment à un partenariat entre l’école et l’université.

On peut donc voir que ce qui se passe en Indonésie à l’école est différent de ce qui se passe en Chine et au Japon. Y a –t-il tout de même un modèle général ou plusieurs modèles ? Est-ce que la culture fait partie du modèle ? Tous les participants l’affirment. Mais en même temps, pour faire évoluer les systèmes éducatifs, on ne peut pas se contenter de l’héritage culturel. D’ailleurs pour réussir, les 3 villes phares que sont Shanghai, Singapour et Hong-Kong s’éloignent des traditions culturelles dans toutes les réformes et sans les réformes ils n’auraient pas eu ces résultats. Et dans chaque pays, on retrouve le même credo, la société et le monde ont changé donc il faut changer l’éducation : « Look global, act local ».

Malgré les différences, tous s’entendent pour dire l’enseignement c’est la clé du développement. Les résultats de PISA d’un pays à l’autre sont inégaux, le Japon évolue lui aussi selon une combinaison de modèles mais en gardant des traditions et des valeurs, notamment le respect des personnes âgées, le nettoyage des écoles par les élèves et une grande solidarité entre les meilleurs élèves et les moins bons. L’image du modèle ayant toujours besoin d’être nuancée, il nous faut garder à l’esprit que Shanghai n’est pas toute la Chine et que Singapour et Hong-Kong sont des petites entités spécifiques. Cela dit, tous les interlocuteurs présents ont fait part de cette dichotomie entre modernité et tradition, entre tentative de se situer au niveau mondial tout en gardant sa propre culture.

Bernard HugonnierEn conclusion, Jean-Marie de Ketele propose de retenir cette idée de tensions que l’on retrouve à plusieurs niveaux: Tensions entre les cultures et l’évolution des sociétés. Entre valeurs traditionnelles et nécessité d’adapter les contenus à la mondialisation. Tensions entre reproduction de modèles coloniaux et volonté d’imitation. Tensions entre par cœur et apprentissage inductif. Tensions entre efficacité et équité, entre réussite et bien-être. Tensions entre bilinguisme et multilinguisme. Tensions entre culture de l’écrit et culture de l’oral, aujourd’hui entre culture de l’écrit et culture digitale. Bernard Hugonnier ajoute que l’école française devrait peut-être tendre vers l’enseignement par induction car notre enseignement par déduction limite les capacités de nos jeunes élèves français lorsqu’il s’agit d’utiliser les mathématiques dans la vie quotidienne. Enfin dans PISA, il existe un questionnaire sur les motivations des élèves, celles-ci sont beaucoup plus fortes dans le système asiatique. Il faudrait se pencher sur cette question dans notre pays.

Bernadette Tresfels

Alain Bouvier : Pourquoi ce colloque ?
Rédacteur en chef de la Revue Internationale d'Éducation de Sèvres, organisatrice du colloque, Alain Bouvier est un expert reconnu des systèmes éducatifs. Que peut-il bien apprendre des modèles éducatifs asiatiques ?

Les systèmes éducatifs asiatiques ont une excellente réputation. On pense au Vietnam, un pays pauvre qui se classe en tête de peloton. Ou au Japon. Mais tous ont-ils de bons résultats ?

A. BouvierLe but de ce colloque est, d'une part, d'interroger la notion de résultats et, d'autre part, d'essayer de comprendre, pour un système éducatif, ce qui tient aux traditions, à la culture, à l'histoire, à la géographie, à l'économie, au développement, etc.

Beaucoup sont en développement économique rapide. Comment cela influe-t-il sur l école ? Cela aide-t-il par exemple à créer de la confiance ou l'école est-elle en concurrence avec la vie active ?

Ces questions seront abordées dans les ateliers, à partir de 24 études de cas très différentes, d'une quinzaine de pays. Les différences d'un pays à l'autre sont considérables.

Au delà des différences peut-on dire que la civilisation asiatique, si elle existe, est un appui à un modèle d'école ?

Sans doute faudrait-il plutôt parler des civilisations asiatiques tant les différences sont grandes entre l'Indonésie, l'Inde et la Chine par exemple. Un atelier particulier tentera de discerner s'il y a en germe des modèles d'école. Savoir s'ils peuvent inspirer d'autres continents sera l'objet de la table ronde finale où l'Asie sera interrogée par l'Afrique, l'Australie, l'Amérique du sud, l'Europe etc.

On pourrait avoir l impression que ce modèle d'école est immuable. Est-ce le cas ?

Le singulier n'a pas de sens, même s'ils ont en commun d'avoir de bons résultats selon les enquêtes internationales. Cela montre que des systèmes scolaires très différents, d'un point de vue historique et culturel, économique également, peuvent atteindre les mêmes hauts niveaux d'excellence. Pourquoi pas nous ?

Pourquoi un organisme français comme le CIEP s intéresse à ces modèles ? Quelles retombées peut-on en attendre pour notre Ecole ?

Notre école travaille souvent en ignorant le reste de la planète, sauf parfois pour lui donner des leçons inaudibles. La logique des comparaisons internationales c'est de penser que nous pouvons tous apprendre des autres et apprendre aux autres, à travers des échanges d'expériences. Ensuite, chaque pays, dans sa grande sagesse, en tire les leçons qui lui semblent pertinentes.

Propos recueillis par François Jarraud

N. Mons : "Ce qui peut être intéressant pour nous c'est la façon dont les Japonais gèrent l'hétérogénéité"
Intervenante au colloque sur les systèmes éducatifs en Asie, Nathalie Mons préside aussi le Cnesco, une structure indépendant chargée d'évaluer le système éducatif français. Quelle évaluation fait-elle des systèmes éducatifs asiatiques ?

On se représente les systèmes éducatifs asiatiques comme particulièrement performants. Est-ce le cas ?

 C'est une image à travailler. Oui certains pays asiatiques, souvent des cités états, comme Hong Kong, sont bien placés. Mais durant ces deux jours on s'est rendu compte que ces états ne représentent pas toute l'Asie. On a mis en évidence l'existence de plusieurs asies.

Le colloque met en évidence le rapport entre éducation et développement économique. Sur ce terrain, l'Asie peut-elle nous apporter quelque chose ?

C'est une question très débattue en économie. Le lien entre investissement en éducation et économie est très discuté. Il semble qu'il ne faille plus penser en terme de génération éduquée mais penser plutôt à ce que les élèves apprennent réellement, à ce qui est enseigné. C'est là d'ailleurs notre difficulté.

Les systèmes asiatiques sont des arguments utilisés aussi bien par les partisans du par coeur que par ceux des apports du numérique. Finalement peut-on parler d'un modèle pédagogique asiatique ?

Il y a eu beaucoup d'interrogation sur l'existence d'un prétendu modèle. On a à la fois l'image de la mémorisation par coeur, dont on pense qu'elle est emblématique des modèles asiatiques, et l'image aussi caricaturale de l'enfant asiatique avec une tablette. Il faut aller au delà de ces caricatures et voir qu'il y a des expériences ponctuelles qui peuvent nous intéresser.  Elles interessent la pédagogie et la formation des enseignants avec un intérêt particulier pour les compétences transversales. Dans les systèmes éducatifs asiatiques, il y a aussi la capacité à développer des interactions entre enseignants et élèves Le colloque a pointé des expériences que l'on ne doit pas imiter mais qui doivent faire réfléchir.

C'est le modèle japonais qui est retenu plus que le par coeur singapourien ?

Il n'y a pas de modèle japonais. Au Japon, dans la scolarité obligatoire on a un intérêt pour le tutorat, les relations entre pairs de classes hétérogènes alors qu'au lycée on passe au compétitif. Donc il est difficile de parler de modèle. Ce qui peut être intéressant pour nous c'est la façon dont les Japonais gèrent l'hétérogénéité avec cette idée récurrente que l'école doit représenter la société dans son ensemble et être un lieu où il y a tout le monde. Tout l'intérêt d'une comparaison c'est bien de s'interroger sur ses propres pratiques. Il n'y a rien à importer en direct. Mais c'est intéressant pour nous d'observer qu'au Japon ils n'imaginent pas de classe sans hétérogénéité alors que chez nous on vise l'inverse.

Si on développait les compétences transversales comme au Japon, ça donnerait quoi ?

En France on a des entrées disciplinaires qui apportent énormément et qui doivent continuer. Mais on voit que, dans les sciences par exemple, il y a des démarches communes. C'est transversal et ça ne contrarie pas les entrées disciplinaires. En France on est plus orienté vers l'esprit critique et c'est un élément de renommée de notre système éducatif. On pourrait le garder tout en développant des liens entre les disciplines et en développant le travail de groupe.

Quelle conclusion tirez-vous de ce colloque pour le Cnesco ?

Le Cnesco doit être orienté sur l'international. Donc ce colloque a été l'occasion de contacts nombreux. On va continuer à travailler avec ces personnes.

Propos recueillis par F. Jarraud

Quels discours sur l'éducation ?
Cet atelier proposait d’approcher la question de l’éducation à partir des récits et des discours élaborés dans quatre pays d’Asie, à savoir Le Pakistan, le Vietnam, la Corée du sud et la Chine, utilisés pour justifier les orientations générales et les politiques concernant le système éducatif.

Les différentes présentations font apparaître que les discours dominants sont d’une manière ou d’une autre influencés par l’histoire du pays et les différentes occupations coloniales ou post-coloniales pour le Vietnam et le Pakistan mais aussi les religions dominantes ( l’Islam au Pakistan), le Confucianisme au Vietnam à l’époque où le pays est occupé par la Chine, ainsi que l’idéologie communiste qui sert de modèle dans le système éducatif vietnamien. Le système éducatif de ces deux pays est marqué par différentes étapes d’un processus d’identification.

Chacun a tenté à la fois de digérer son histoire et de s’en démarquer pour construire sa propre identité. Cette nouvelle identité véhicule une idéologie qui a façonné les systèmes éducatifs ( les études pakistanaises et les études islamiques deviennent obligatoires à l’école au Pakistan à partir de 1971). Au Vietnam, la vision officielle est centrée sur le rôle du Parti. Un espoir de changement toutefois dû à une évolution des mentalités et à une ouverture sur le monde pourrait permettre au Vietnam de donner une image moins orientée et plus réaliste de la complexité de l’histoire de l’éducation vietnamienne, véritable creuset d’influences. Au Pakistan comme dans tous les autres pays d’Asie, l’idéologie nationale cherche à s’adapter à la mondialisation et les différents systèmes éducatifs sont en recherche de moyens de s’adapter au discours de la mondialisation. La question est de pouvoir s’adapter aux nouveaux défis mais tout en gardant une identité propre. Par exemple en ouvrant les programmes scolaires aux diversités culturelles mondiales. Pour cela, ils doivent faire face à des discours concurrentiels élaborés par strates qui constituent un socle historique et culturel spécifique qui s’insèrent tant bien que mal dans la société actuelle de chacun.

La compétition mondiale est sévère et même quand les résultats s’avèrent excellents au classement PISA comme pour la Corée du sud, celle-ci très soucieuse de l’image qu’elle véhicule dans le monde se voit contrainte de faire évoluer son système éducatif et de mettre en place de nouvelles réformes pour répondre aux critiques acerbes du monde extérieur, notamment les Etats-Unis qui leur reprochent un manque total de créativité. De gros efforts ont été faits dans ce sens, l’actuel gouvernement entré en fonction en 2013 met la « créativité » et le « développement de la personnalité » au centre de sa politique éducative. Ces réformes souvent prises rapidement ne tiennent pas assez compte des points forts de l’éducation coréenne « classique », car il y en a. En insistant sur les apprentissages fondamentaux, elle permettrait de donner une chance à tous, ce qui ne serait pas le cas de la politique actuelle.

Ces excellents résultats se retrouvent en Chine pour la ville de Shanghai mais ici avec des interrogations différentes : Qu’est-ce qui permet cette réussite ? La méthode de la mère-tigresse issue de la culture traditionnelle chinoise ? La culture du travail et du mérite issue de Confucius ? La prédominance absolue des diplômes  universitaires dans la société actuelle ? Tous ces paramètres contribuent à la spécificité chinoise auxquels il faut ajouter la modification du statut social par le travail « dur » qui est devenue une motivation intrinsèque des jeunes chinois. Mais là aussi, le regard du monde a beaucoup d’importance et des réformes sont tentées pour plus d’ouverture et plus d’épanouissement.

Bernadette Tresfels

Que nous apprend l'Asie sur l'Ecole ?
Poussé par ses brillants résultats dans Pisa, le modèle asiatique va-t-il être importé en Europe ? Ce n'est certainement pas la conclusion du colloque sur les dynamiques systèmes éducatifs en Asie, organisé par la Revue internationale d'éducation de Sèvres du 12 au 14 juin. Pour autant le colloque a construit du savoir et amené quelques idées qui répondent aux préoccupations d'un système éducatif mal en point : le nôtre.

Après trois journées dans la thébaïde sévrienne, la centaine d'experts venus d'Asie ont conclu le colloque sur les systèmes éducatifs asiatiques en dépassant les clichés et en réfléchissant aux enjeux de l'éducation en Asie pour le reste du monde.

Présidente du Cnesco, le conseil chargé de l'évaluation du système éducatif français, Nathalie Mons a rappelé la fascination et la défiance que nous inspirent les systèmes asiatiques. Défiance car leurs résultats dans Pisa nous disent notre déclassement. Et c'est cette peur qui nous obsède et nous invite à réformer l'Ecole. A l'inverse les bons résultats dans Pisa peuvent laisser les asiatiques dans l'indifférence, comme c'est le cas à Shanghai. Fascination devant le dynamisme des pays asiatiques et de leur Ecole. En quelques dizaines d'années ils sont passés de pays où la scolarisation primaire était à construire à des pays dotés de solides systèmes éducatifs. Ils arrivent à faire les réformes qui semblent impossibles à réaliser en France. Mais N Mons rappelle aussi que le colloque a montré l'incroyable diversité des pays asiatiques au point de nier l'existence d'un modèle asiatique. N Mons relativise aussi le classement de Pisa. La dépense réelle d'éducation est surement sous évaluée par l'existence dans nombre de ces pays d'un secteur éducatif informel  très important. Le bon coté de cette réalité c'est de rappeler l'importan ce de l'éducation dans les cultures asiatiques. Les familles croient en l'éducation. Celle -ci repose souvent sur une vision holistique de l'école qui semble une réponse à bien des maux de l'Ecole.

Rangachar Govinda, université NUEPA de New Delhi (Inde), apporte un éclairage nouveau dans le colloque. D'abord en faisant entrer dans le débat le numérique, très présent dans la région. Pour lui, le numérique ouvre une nouvelle fracture dans la population scolaire. Il relève que les Moocs sont très utilisés en Inde et interrogent les examens classiques. Le numérique induit une nouvelle façon de penser dans une partie de la population. Il reflète aussi la rapidité du développement économique des pays asiatiques. C'est lui qui met l'éducation au centre des préoccupations des états avec l'obligation de l'éducation pour tous. Le développement impulse aussi de nouvelles valeurs pour l'école : multiculturalisme "qui doit devenir la règle", enseignement du développement durable. Si "le 21ème siècle sera celui de l'Asie", comme le prophétise la Banque mondiale, c'est aussi celui des transformations.

Professeure à Columbia d'origine singapourienne, Linn Goodwin insiste sur l'importance du statut de l'éducation dans les société s asiatiques. A Singapour les enseignants, même s'ils ne sont pas très bien payés, ont un statut social privilégié. La société mise sur l'éducation et les familles veillent au travail des enfants. C'est cette influence du confucianisme qui est dénoncée par Le Huu Khoa, un anthropologue, qui en montre les retombées négatives. Juin, le mois des examens, est aussi celui des suicides de jeunes.

"Il n'y a pas de panacée", affirme Linn Goodwin. "Pas de miracles, ni de leçons". "Le miracle éducatif n'existe pas", confirme Nathalie Mons. De cette "rencontre unique" , l'occident ne va pas tirer un modèle à importer. Le modèle n'existe pas. Pour autant "ce miroir nous renvoie à des analyses nationales", affirme N Mons. Alors essayons de tenter un bilan final.

Ce voyage virtuel en Asie met en évidence le lien entre développement économique et éducatif. C'est cette pression qui impose des changements éducatifs. Sous cette pression, partout en Asie, le modèle du par coeur est interrogé et remplacé par des formes plus participatives et actives d'enseignement. Partout l'intérêt des systèmes éducatifs se porte sur leur dimension inclusive. On l'a vu au Japon où elle est traditionnellement installée. Mais même à Singapour l'élitisme est remis en question par la volonté d'inclure tout le monde et le curriculum en tient compte. C'est la dimension holistique évoquée par N Mons. Partout aussi se crée de nouveaux équilibres entre école publique et secteur privé alors que la demande éducative augmente. La leçon de l'Asie c'est aussi l'importance de la famille et de ses valeurs dans l'effort éducatif. Il faut "croire en l'éducation". La dernière leçon d'Asie c'est son optimisme. Alors qu'en Europe rien ne semble possible, à commencer par la réforme de l'éducation, en Asie on y croit et tout est possible. De fait les systèmes éducatifs se transforment et se développent.

François Jarraud
L'Asie peut-elle nous aider à penser le curriculum ?
Alors qu'en France le Conseil supérieur des programmes avance à pas feutrés l'idée de curriculum pour remplacer les bons vieux programmes disciplinaires, l'Asie offre des exemples de curriculum qui paraitraient ici très innovants. Le colloque organisé par la Revue internationale d'éducation de Sèvres abordait le 13 juin cette question des curricula à travers l'exemple de 4 pays phares : la Chine, l'Inde, le Japon et Singapour. Quatre expériences mais pas de modèle. Chaque pays cherche sa voie entre des traditions, des influences et des difficultés qui lui sont propres. Au final, des problématiques qui font écho aux débats français et qui nous soufflent de nouvelles questions.

"Il y a trois questions basiques : l'éducation pour quoi faire ? C'est la grande question ! Pour qui ? Et qui reçoit quoi ?". Ces trois questions de Jason Tan, institut national d'éducation de Singapour, sont à garder en mémoire quand on réfléchit aux choix opérés par les pays pour leur curriculum. La table ronde organisée le 13 juin lors du colloque "L'éducation en Asie" réunissait 4 pays : l'Inde, la Chine, le Japon et Singapour sur la grande question du curriculum.

 En Chine, Yan Zhu , université normale de Shanghai, montre un curriculum évaluant par "vagues" impulsées par l'Etat. La dernière réforme est lancée en 1999 avec la 8ème vague. Elle s'est fixée pour objectifs "la revitalisation du peuple chinois" et le développement personnel de chaque élève. 6 objectifs s'affichent dans le curriculum national : l'apprendre à apprendre, le passage d'un curriculum centré sur les disciplines à quelque chose d'intégré, le passage du par coeur à la résolution de problèmes, de la sélection des élèves au soutien de tous, enfin la localisation des programmes. Une démarche identique  a lieu depuis 1988 dans la vitrine chinoise de l'éducation, Shanghai. Là aussi l'accent est mis sur le questionnement et l'ouverture d'esprit des élèves. Mais le système n'échappe pas à ses contradictions. Alors qu'il promeut l'esprit d'initiative et de découverte des élèves sur l'école obligatoire (primaire et collège), l'entrée au lycée, sa sortie et l'entrée en université se font sur examen. On revient ainsi à la compétition et au par coeur que l'on a voulu atténuer à l'école. Enfin se pose la question des enfants migrants. Sous le prétexte qu'ils ont suivi des cours dans d'autres provinces et que leur niveau est hétérogène, ils sont regroupés dans des écoles spécifiques. Le nouveau curriculum noie cette contradiction en se fixant comme objectif de faire des enfants de bons socialistes...

 L'Inde a une histoire éducative plus variée marquée par une dialectique incessante entre l'influence étrangère et la tradition nationale. L'influence des britanniques qui ont fait de l'anglais la langue scolaire reste très importante, explique Padma Sarangapani. S'y ajoute aujourd'hui celle de l'aide étrangère qui s'intéresse aux fondamentaux aux dépens du reste. Face à eux l'influence des écoles traditionnelles et des grands penseurs du 20ème siècle qui ont mis en avant d'autres valeurs comme l'inclusion. Depuis 2000 le nouveau curriculum remet à l'honneur les valeurs traditionnelles alors que le développement des écoles privées pousse aux résultats.

Au Japon, telle que Ryoko Tsuneyoshi le présente, la tradition scolaire est marquée par des curricula inclusifs et favorisant les apprentissages transdisciplinaires. Ils intègrent le tokkatsu : des "activités spéciales " qui sont transdisciplinaires et visent à développer l'enfant dans sa globalité. Les élèves tiennent conseil, font le ménage, vivent ensemble avec leur professeur. Chaque classe est divisée en 6 groupes hétérogènes qui réalisent ensemble des travaux variés. Les classes sont délibérément hétérogènes puisque l'école doit représenter le peuple. Mais tout ce système bienveillant n'existe que pour l'école obligatoire. Il est contrebalancé par les examens d'entrée au lycée et le retour final à la compétition et au par coeur à ce niveau et dans le supérieur. Une autre caractéristique du système japonais c'est les "lesson studies" ces recherches développées par des groupes d'enseignants qui témoignent d'une tradition réflexive sur les pratiques pédagogiques.

 Singapour a mis en place un système élitiste qui trie les enfants dès le primaire pour les affecter dans des classes ou des écoles différentes, explique Jason Tan. Ce tri se recoupe avec les catégories sociales et aussi ethniques. La méritocratie justifie cette sélection précoce qui est féroce. Dès le primaire des examens décident de l'orientation des enfants. Mais ce système se heurte maintenant au souci de maintenir l'unité nationale. Il inclut donc une éducation civique et l'injonction d'aimer Singapour. Autre difficulté : l'objectif majeur du développement économique se heurte à la tradition pédagogique du par coeur. Pour former une main d'oeuvre plus efficace il faut qu'elle gagne en autonomie et en créativité. Cela revient comme un injonction pour le curriculum.

De ces quatre exemples se dégagent des tensions majeures des curriculums. La première c'est la nécessité dans tous ces états d'avoir un système éducatif inclusif. Tous développent des curriculum qui contiennent des enseignements promouvant le groupe et le sentiment d'appartenance au delà des coupures sociales. Cet objectif se heurte aux traditions de compétition et d'élitisme. La seconde tension repose sur la volonté d'adapter le curriculum aux exigences économiques. Cela nécessite des formations reposant davantage sur l'initiative des élèves et l'apprendre à apprendre. Et cela vient en conflit avec l'importance du par coeur dans ces systèmes éducatifs. La troisième est imposée par la globalisation éducative. Ces systèmes éducatifs n'échappent pas à des logique de privatisation ou de marchandisation même dans des pays qui interdisent de fait l'enseignement privé comme Singapour.

 "Les pays sont tous en recherche sur le curriculum", nous a dit RF Gauthier, animateur de la table ronde et membre en France du Conseil supérieur des programmes. "A Singapour la menace c'est l'éclatement ethnique. Les curriculums peuvent ils quelque chose contre l'éclatement des sociétés ? C'est intéressant de voir comment de petits laboratoires, comme cet état, réfléchissent à cela. On voit bien qu'il y a un défi du commun. On le veut mais en même temps une partie de la population rêve de compartimenter l'école. Ces expériences sont des éléments de réflexion intéressants pour nous".

François Jarraud

Comment expliquer le succès du système éducatif vietnamien ?
Huitième mondial en sciences, 17ème pour les maths, le Vietnam apparait comme ayant un des  meilleurs systèmes éducatifs au monde. Il est vrai que le pays consacre 6% de son PIB à l'éducation ce qui est beaucoup plus important que ses voisins. Mais ce la ne représente que 845 $ par élève ce qui est peu même pour la région. Alors comment ce pays pauvre fait-il pour obtenir d'aussi bons résultats. Mme Tran  Thai Ha, Institut des Sciences de L’Education du Vietnam, nous aide à y voir clair.

Le succès tient-il au curriculum ?

"Après la réunification Nord/Sud du Vietnam en 1975, l’éducation est devenue plus souple et moins académique", nous dit-elle. "D’importantes réformes ont été mises en place pour améliorer l’accès à l’éducation et pour augmenter la durée de la scolarité. Les enfants ont facilement accès à une éducation scolaire mais la qualité n’est pas toujours au rendez-vous.  L’état a investi massivement dans les infrastructures scolaires et fourni de bons équipements.  Toutes les écoles ont accès à Internet, même les plus pauvres, même les écoles pour les enfants des minorités. Toutefois les écoles ont  peu de réels moyens financiers et les salaires des professeurs restent bas".

Quels autres éléments doivent entrer en compte ?

Les familles, même les plus pauvres, attendent beaucoup de leurs enfants et espèrent vraiment leur réussite scolaire. D’autre part un gros effort  est consenti actuellement pour la formation des professeurs.

Propos recueillis par Anne Vallet


Quelles leçons tirer de la marchandisation de l’enseignement en Asie ?
La shadow education menace-t-elle tous les systèmes éducatifs ? La shadow education c'est le développement des cours et des écoles privés qui se développent sur le terreau de la compétition scolaire. Un des ateliers du colloque Asie, organisé par la revue internationale d'éducation de Sèvres, le 13 juin, réunissait des représentants de plusieurs pays pour faire le point d'un problème qui dépasse le continent asiatique.

Comme le dit Keith Lewin, université du Sussex, d’ici à 2030 tous les pays asiatiques voudront que leurs enfants suivent une scolarité de 12 années. “L’éducation fait bien plus qu’enlever l’hostilité des pauvres envers les riches: elle les empêche de rester pauvres » (Horace Mann). L’éducation est un investissement durable et présente une ambition certaine pour une plus grande compétitivité nationale. Il n’en reste pas moins que l’accès à l’éducation est lié aux inégalités économiques et qu’il est bien difficile de recruter des professeurs dans certains pays asiatiques.

En plus de l’éducation de base la question  posée à présent dans tous les pays asiatiques est celle de la qualité des apprentissages, de l’éducation à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, de la nécessité d’obtenir plus d’équité  envers les filles, les minorités vivant dans les zones rurales, les handicapés... De nouveaux donateurs privés apparaissent  en Asie de l’Est , selon Mme Shoke Yamada, maître de conférences en éducation université de Nagoya,  et proposent le programme suivant : faire des choses, voir si cela fonctionne puis mettre en place des programmes et des aides financières. Ainsi en Inde, un enseignement privé à faible frais de scolarité a vu le jour et semble en constante augmentation. L’Inde manque de ressources alors que la demande d’éducation s’accroît. Malgré le Rights of Children to Free and Compulsory Education Act  de 2009 il est difficile de réunir suffisamment de fonds pour fournir une éducation de qualité. Les PPP (partenariat public privé) se développent. Il s’agit de mobiliser des aides privées et d’augmenter le rôle d’acteurs non-étatiques. Il est à noter que, comme dans d’autres pays, la présomption idéologique selon laquelle les écoles privées sont meilleures que les écoles publiques est vivace.

La règle des 25% , les aspects positifs

Les écoles privées indiennes sont obligées de réserver 25% de leur effectif à des enfants de familles pauvres de castes inférieures. Cela gratuitement et jusqu’à ce que les enfants aient terminé l’école primaire. On constate des différences sensibles entre garçons et filles, villes et campagnes. Loin des idées reçues, l’aide du secteur privé permet donc de scolariser des enfants de milieux défavorisés qui ne pourraient pas aller à l’école faute de subventions de l’état.

Le soutien scolaire privé

Les familles asiatiques montrent de plus en plus de méfiance vis-à vis de l’institution scolaire publique qui ne répond plus à leurs attentes. La « shadow education »:le soutien scolaire privé se développe. Ces cours sont dispensés par des sociétés commerciales privées. Cette éducation parallèle souligne l’accroissement des inégalités économiques et peut créer des problèmes psychologiques graves, certains enfants passant plus de la moitié de leur temps à l’école.

Historiquement, les répétiteurs constituaient pour l’élite et l’aristocratie le seul moyen de s’instruire. Aujourd’hui les répétiteurs sont engagés à grands frais par des familles aux revenus modestes pour $80 par matière et par mois à Taiwan par exemple. Ils permettent aux élèves d’approfondir leurs connaissances et surtout de se préparer aux examens.  

La pression de l’entourage et de la famille est forte. Les cours de soutien ont lieu communément jusqu’à 20h ou 21h, souvent dans l’école même où les élèves se trouvent depuis 7h30. Les cours particuliers peuvent avoir lieu aussi à la maison ,  en petit groupe, être assurés par les professeurs des élèves ou des professeurs à la retraite.  En Malaisie, les répétiteurs sont considérés comme des acteurs indispensables ( on dénombrait 3107 centres de cours particuliers privés en 2013) dans un pays où les classes comptent en moyenne 50 élèves.
Le cas est identique à Taiwan avec jusqu’à 200 élèves par classe.

Les effets positifs de ce tutorat  dans ce que l’on nomme aussi des « cram schools »sont liés au suivi individualisé et personnalisé. Les élèves et leurs familles consentent à tous ces efforts dans l’espoir d’ obtenir un bon salaire. Les cours privés, tous pays confondus, concernent principalement l’anglais, les mathématiques et les sciences. Les autres disciplines sont délaissées. C'est un autre aspect de cette compétition.

Anne Vallet

De Ketele : Penser de façon holistique
Comment expliquer le succès des systèmes éducatifs asiatiques ? Jean-Marie de Ketele, co organisateur du colloque et professeur à l'université de Louvain la Neuve, met en avant les racines culturelles des familles et des systèmes éducatifs.

Les systèmes éducatifs asiatiques sont renommés. Quelle importance du confucianisme, des traditions familiales dans ce succès ?

 Je suis étonné que religion et culture soient profondément imbriqués alors que c'est moins le cas en occident. La fusion culture religion autour de quelques valeurs est telle que les gens ne font plus la différence. Dans nos pays occidentaux il y a des valeurs liées à la culture par exemple francophone ou anglo saxonne, mais qui sont plus indépendantes des religions. On distingue d'ailleurs davantage les pratiques religieuses et les valeurs des religions et cultures. J'ai fait la préface d'une enquête menée par un chercheur de Bruxelles sur ce que pensent les étudiants et lycéens des rapports entre religion et sciences. Il a trouvé 3 groupes : des catholiques, des musulmans et des laïcs ou agnostiques. On voit une différence dans les réponses. plus l'emprise de la religion est forte dans la vie quotidienne plus il y a une schizophrénie de la pensée sur ce qu'il faut penser de la science quand on en fait et quand on est en dehors d'un travail sur la science. Elle est moins forte chez les laïcs , pas très forte en Belgique chez les catholiques mais la coupure est forte chez les étudiants qui se réclament d'être musulmans. Je ne trouve pas cela en Asie.

Un autre point c'est le rapport entre croissance de l'éducation et croissance économique chez ces pays. Chez nous ce  rapport semble plus délicat ?

Les 7 pays dont on parle toujours car ils ont d'excellents résultats sont ceux qui mettent le plus l'accent sur le développement économique. La devise de Singapour, par exemple, c'est "une éducation compétitive pour un développement économique compétitif". Mais on ne parle pas des autres comme la Malaisie l'Indonésie ou la Thailande ont des résultats faibles et n'ont pas le même rapport au développement économique. Et il ya l'asie de l'ouest musulmane. On a été trop obnubilé par ces 7 pays.

Un colloque comme celui la permet il de mieux comprendre nos systèmes éducatifs?

Je pense que oui. Les méthodologues de la recherche disent qu'on ne comprend bien que par comparaison. Pour bien comprendre son pays il faut aller dans d'autres pays. Je ressors d'ici en comprenant mieux les systèmes occidentaux par comparaison.

Une idée s'en dégage ?

Pour moi l'idée la plus importante c'est le fait que ces pays asiatiques qui ont réussi ont des systèmes éducatifs qui pensent de façon holistique  (qui consiste à considérer les phénomènes comme des totalités NDLR). On ne pense pas programmes, formation des enseignants ou ce qui se passe dans la classe mais ce qui se vit dans l'établissement. On  pense a mettre les élèves en situation d'être responsables de leur environnement scolaire. On pense à la famille. Chez nous on est analytique. Les disciplines sont morcelées, les horaires aussi. L'enseignant se retire après la classe; Au Japon l'enseignant vit avec ses élèves. Il se réunit avec ses collègues pour échanger. Il a des contacts réguliers avec les familles au niveau local. Au niveau macro aussi. On devrait réfléchir davantage à inclure davantage cette dimensions holitisme dans notre système.

C'est faisable ?

Il faudra au moins une génération et en France peut être plus. Car il y a beaucoup de blocages, de baronnies. Les enseignants se reconnaissent par leur discipline. On a du pain sur la planche..

Propos recueillis par François Jarraud

Les fiches et les contributions au colloque

Education : Le soleil se lève-t-il toujours à l'est ?
Pourquoi réunir autant de spécialiste des systèmes éducatifs asiatiques en région parisienne du 12 au 14 juin ? Comparer les systèmes éducatifs peut paraitre ingrat car les transpositions sont souvent impossibles ou vaines. Pourtant le colloque est riche en apports pour notre éducation nationale.

A première vue, réunir les meilleurs spécialistes des systèmes éducatifs asiatiques c'est déjà se prendre une claque. Une partie d'entre eux, pas tous, caracolent en tête des résultats de Pisa. C'est le cas par exemple du Japon, de la Corée du Sud et même du très pauvre Vietnam. Au regard de cet exemple, les résultats du système éducatif français, beaucoup plus coûteux, paraissent nettement insuffisants.

A première vue aussi, il n'y a rien de comparable entre le monde asiatique et le nôtre. Les civilisations asiatiques sont différentes, même si le passé colonial y a laissé des traces. Les rapports familiaux, la conception de ce qu'est la civilisation sont nettement différents. Un participant au colloque remarquait d'ailleurs que le mot civilisation qui renvoie en occident à la ville, renvoie en Chine à l'écriture et en Inde aux castes.

Mais c'est oublier les apports réels de l'éducation comparée. En mettant face à des univers aussi distancés, l'éducation comparée nous ramène à l'essentiel. Certes l'éducation a à voir avec l'économie et le budget. Mais l'exemple asiatique montre que l'efficacité éducative, si elle entretient une dialectique avec le développement, ne se résout pas à une simple équation budgétaire. Pour qui veut comprendre les systèmes éducatifs asiatiques, il faut se souvenir que l'éducation est d'abord familiale. C'est aussi sur ce terrain qu'il faut agir. L'éducation renvoie aussi à la tension entre le religieux et le scientifique. Une tension nettement perceptible dans l'univers asiatique mais également dans le nôtre. L'éducation est aussi nationale, même dans un univers globalisé. Elle interagit avec la construction nationale de façon étroite. L'éducation est donc affaire de valeurs. Dans une Asie où les tensions sont fortes, un intervenant appelait à éduquer les jeunes à la paix.

Pour nous dont la boussole éducative est souvent affolée par le quotidien, ce détour par l'éducation comparée est riche en enseignements. C'est la distance qui permet aussi de saisir la proximité.
François Jarraud

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